Le suicide depuis la tour de Bretagne enfin autorisé

Le voyage à Nantes frappe un grand coup et se lance dans le spectacle vivant. Enfin quasiment. Un an à peine après avoir réussi le tour de force de rouvrir au public la terrasse du 32^ème étage, l’organisation obtient une dérogation exceptionnelle autorisant le suicide depuis cette même plateforme à la vue inégalable sur l’agglomération nantaise. Les tractations ont toutefois été intenses entre l’association suicide pour tous (dont le bureau a récemment été entièrement renouvelé) et un lobby pro-vie qui, lui, dénonçait une multiplication des dispositifs tandis qu’ « un instrument aussi naturel que la Loire est clairement sous-exploitée dans le domaine de la fin de vie ».

Des arguments que Michel Brant, directeur d’exploitation du projet rejette en bloc : «  il y a une vraie demande pour le suicide à Nantes, comme le démontre l’actualité, et notamment chez les étudiants alcoolisés. C’est pourquoi on a aussi eu l’idée d’introduire un bar au même étage avec des barmaids aux gros seins ». Autant dire que l’étude de marché a été poussée à l’extrême. La campagne marketing accompagnant ce projet, dictée par cette dernière, visera donc particulièrement les milieux estudianto-masculino-hétérosexuels. Les femmes étant souvent d’ordinaire bien trop absorbées par les tâches ménagères au foyer pour avoir le temps de penser à un quelconque suicide. Et puis sérieusement quelle femme irait se suicider en pleine période de soldes ?

Comme le dit M. Brant « les gens aujourd’hui recherchent LE suicide original, on l’a vu à Nantes avec cette personne qui s’est immolée devant Pole emploi, ou cet enfant qui a fait du tram-surfing tracté sur trois kilomètres, la mort seule ne suffit pas,  après tout on ne se suicide qu’une seule fois dans sa vie*, il faut donc en faire quelque chose d’exceptionnel et pourquoi pas l’accompagner de sensations fortes ». C’est d’ailleurs ce point précis qui a convaincu la société Red Bull de s’associer à l’événement, la directrice marketing explique « on a jusqu’ici sponsorisé beaucoup de morts extrêmes mais jamais volontaires, ce sera une grande première, on espère ne pas avoir trop de blessés au démarrage ».

Jusqu’ici tout va bien

 

C’est en voyant un suicidé remonter le world trade center en stop motion dans le roman de Jonathan Safran Foer « extrêmement fort et incroyablement près » que l’idée est venue à Michel Brant. Les visionnages de quelques classiques de la SF ont achevé de fignoler le projet : les candidats au suicide atteriront dans un broyeur et seront transformés en savon liquide, vendu à la boutique du voyage à Nantes. Bien entendu la tour de Bretagne a été volontairement placée en bout de la ligne verte pour que les touristes prennent bien le temps de visiter chaque étape du voyage à Nantes avant de faire le grand saut. Permettant ainsi de regonfler les chiffres du tourisme local eux aussi en chute libre depuis quelques années. D’autant que d’après des observateurs, certaines installations seraient elles-mêmes susceptibles de créer des vocations.

L’année dernière déjà, l’idée avait été émise de lancer un concours de cliff diving (plongeon à partir de grandes hauteurs, à l’image de ce qui se fait à La Rochelle) depuis le 32^ème étage de la tour de Bretagne malheureusement transformer le parking souterrain en piscine de réception outrepassait quelque peu le budget de l’événement.

Mais, car il y a un mais, l’innovation et la création ont un prix : 10€ pour un aller simple en haut de la tour, 15€ pour l’aller retour, sachant qu’une conso est offerte et que le retour n’est en aucune manière remboursable. Ce prix prohibitif, outre un désencombrement massif de l’accès au meilleur point de vue de Nantes, permet d’exclure des classes inférieures trop souvent enclines à mettre fin à leurs jours pour de mauvaises raisons (résultats sportifs, mariages ratés, redoublement, trop-perçu à rembourser à pole emploi, bière pas suffisamment fraîche…).

Bien entendu reste le risque d’aider à suicider des personnes qui souhaitaient simplement « lancer un appel à l’aide » comme on dit dans ces cas-là. Bah il leur restera toujours 4 secondes pour le faire.

Avant l’atterrissage.

*Sauf en ce qui concerne la gent féminine qui parvient à se suicider en moyenne seulement au bout de 14,7 tentatives.